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Tactiques navales
Le XVIIIème siècle constitue une époque charnière. Jusque là, les navires de guerre se mettent en ligne les uns derrière les autres, à une distance variant d'une soixantaine de mètres (une longueur de navire), à cent quatre vingt-cinq mètres (une encablure). Cela leur permet de produire une puissance de feu maximale en présentant leur flanc à la flotte adverse.
Cette formation permet aussi d'offrir aux bâtiments une certaine sécurité, chaque vaisseau étant protégé par ses matelots d'avant et d'arrière contre les feux d'enfilade. L'action se réduit souvent à une canonnade entre les deux lignes, mais l'honneur est sauf.
Dans la marine anglaise, les 21 instructions tactiques, inchangées depuis le milieu du dix septième siècle interdisent toute initiative individuelle. Il ne faut engager la bataille que lorsque la ligne de navires est bien formée, parallèle à la ligne ennemie. Des officiers supérieurs sont passés en cour martiale et certains ont même été exécutés pour n’avoir pas suivi à la lettre les Instructions de combat. C'est la tactique adoptée par Graves lors de la bataille de la Chesapeake sans succès.
En France, dans sa "tactique navale ou Traité des évolutions et des signaux", parue en 1763, Bigot de Morogues réactualise les règles édictées par le père Hoste. Le père Paul Hoste (1652-1700) insistait sur la nécessité, pour une ligne de navires, à se tenir le plus près possible du lit du vent afin de garder une manœuvrabilité maximale et l’avantage offensif. Très manœuvrants, les vaisseaux au vent peuvent plus facilement aborder les vaisseaux ennemis et même passer à travers la ligne adverse pour se retrouver derrière elle.
La position sous le vent comporte elle aussi des avantages. Les navires sous le vent peuvent aisément capturer les navires désemparés qui se portent naturellement vers eux. Ils peuvent laisser leurs sabords inférieurs ouverts plus longtemps et disposer ainsi d’une puissance de feu supérieure. Les navires endommagés peuvent faire retraite aisément.
Mais les choses vont évoluer très vite, et près de Saintes, le 12 avril 1782 l’Amiral Rodney réalise une manœuvre encore jamais réalisée en combat naval. Il fait virer ses navires de 90 degrés, coupe la ligne française désorganisée en quatre endroits, et obtient ainsi la victoire.
23 ans plus tard à Trafalgar, Nelson va de la même façon disloquer sa ligne et lancer ses navires par le travers de celle de l'ennemi, la tronçonnant ainsi en éléments isolés plus faciles à réduire. Cela ne fut possible que grâce à la supériorité incontestable des canonniers anglais.