Samedi 21 Juillet 1781

Combat de Louisbourg  

                                                                       

L’Hermione se trouve alors en croisière avec l’Astrée commandée par M. de La Pérouse, nommé capitaine de vaisseau le 4 avril 1780. Le 21 juillet 1781, en vue de l’île de Sacatari la vigie découvre plusieurs voiles. A 10 heures est reconnue une flotte de 18 à 20 voiles dont trois se détachent immédiatement du convoi. 

 

"A 3 heures, l’Astrée m’a hélé de gouverner au N.E. A 8 heures, pris les amures sur tribord , le cap au S.S.O, les vente à l’Ouest petit frais. A 9 heures 1 /2, on a découvert du haut des mats, plusieurs voiles qui doublaient l'île de Sacatari. A 10 heures  on les a reconnues pour une flotte de 18 à 20 voiles dont trois se sont détachées pour venir nous reconnaître. Nous avons gouverné au plus près du vent , les amures à tribord. A midi et demi, nous avons diminue de voiles. Le bâtiment le plus près de nous étant venu en travers, nous avons reconnu une frégate percée à 12 sabords en batterie et les deux autres pour une de 20 à 22 et de 14 à 16. Mr de La Pérouse a cherché à les induire en erreur par des signaux de reconnaissance. A midi, j'avais relevé le cap Nord au N.O. 1 /4 N, une des pointes de l'entrée de la baie des Espagnols au S.O. 1 /4 S. A 1 heure 1/2, la frégate ayant été ralliée par les deux autres qui venaient vent arrière tandis que le convoi filait le long de la terre, a fait servir toutes voiles dehors, tenant le plus près du vent, les amures à bâbord. Nous avons chassé et forcé de voiles sur le même bord, étant à 3/4 de lieue du plus près de ces trois bâtiments. A 4 heures 1/2, leur ayant gagné de l'avant, nous avons viré de bord, les amures à tribord. Dans le même moment, ils se sont aussi, mis au même bord. A 5 heures,nous avons repris les amures sur bâbord, dirigeant notre route sur le convoi qui était dispersé, dont partie tenait le vent, les amures à tribord et les autres donnaient dans la baie des Espagnols. Deux qui étaient armés ont manœuvré pour se réunir aux trois autres qui avaient pris la bordée de terre aussitôt qu'ils se sont aperçus que nous l'avions prise. Quand nous avons été dans les eaux des deux derniers, nous avons viré de bord pour tâcher de les couper. Alors, la frégate et les deux autres bâtiments les plus en avant, ont mis en travers pour les attendre et lorsqu'ils ont été joints, ils ont formé leur ligne de bataille comme il suit :

         - L'Allégeance; 24 canons de 9 £, capitaine P.

         -Le Vernon; 24 canons de 9 £;

         - Le Charlestown; 28 canons de 9 £ et de 6 £, capitaine Evens;

         - Le Vulture; 2,0 canons de 9 £, capitaine George;

         - Le Jack; 14 canons de 9 £, capitaine Thom;

        - Le Thompson; 18 canons de 9 £. Ce vaisseau s'est tenu au vent pendant le combat, à toute portée de canon.


Nous avons forcé de voiles pour les joindre. A 6 heures 1 /4, j'ai passé en arrière de l'Astrée pour me mettre au poste qu'elle m'avait indiqué. A 6 heures 1/2, le combat a commencé par le feu de nos bordées, avec les bâtiments de l'arrière. Marchant mieux que l'Astrée, je l'ai doublée sous le vent et je me suis trouvé par ce moyen, par le travers de la Charlestown que la vivacité du feu de  l'Astrée forçait à gagner de l'avant pour se faire soutenir par l'Allégeance et le Vernon. J'ai battu cette frégate de tout mon feu pendant plus d'une demie heure, qu'elle a été obligée de mettre tout à culer. "

"Je recevais avec son feu, celui des deux premiers  bâtiments qui m'ont beaucoup dégréé. Après quelques coups de canon tirés de très près au Jack qui se trouvait par mon travers, ce petit bâtiment a amené son pavillon. Peu après, la frégate la Charlestown en a fait autant à l'Astrée qui venait de lui abattre son grand mât de hune, mais cette frégate étant encore soutenue par le feu de trois bâtiments, il n'a pas été possible de l'amariner. J'ai continué à combattre contre le Vernon et l'Allégeance mais qui tenaient le vent avec tout ce qu'ils pouvaient mettre dehors. L'Astrée ayant pris les amures sur l'autre bord, j'ai viré également pour la rallier."

"Étant à portée de la voix, elle m'a crié que pendant qu'elle amarinait le Jack, de faire tous mes efforts pour suivre la Charlestownqui s'éloignait et de l'amariner si je pouvais la joindre, mais n'ayant pas ma manœuvre courante qui me fût coupée, je n'ai pu faire toute la voile qu'il était nécessaire pour y parvenir, ma mâture étant également très offensée. A 10 heures, j'ai perdu de vue la frégate que je chassais, la nuit étant devenue très obscure. A 10 heures 1 /2, j'ai été joint par l'Astrée. J'ai pu alors amurer ma grande voile et border mon grand hunier, tous les ris pris et amené sur le ton, mon grand mât de hune étant percé de trois boulets à cinq pieds du chouquet. A minuit, nous avons mis en travers tribord au vent, les vents au S.O gros frais, ayant un feu à la poupe pour servir de direction à la prise. Ce combat a duré deux heures. Je n'avancerai rien que de vrai en disant que si le combat eut commencé deux heures plus tôt, que tous ces bâtiments tombaient en notre pouvoir, leur feu étant presque éteint. Ils ont dû perdre  beaucoup de monde, particulièrement la frégate la Charlestown qui, quoique soutenue par le feu de trois, a été obligée d'amener son pavillon mais que l'obscurité de la nuit nous a empêché d'amariner. J'ai retrouvé dans mes officiers et dans tout mon équipage, cette même valeur dont ils m'avaient donné des preuves dans le combat de l'Iris l'année dernière. J'ai eu trois hommes de tués roides, 6 blessés grièvement et 13 légèrement. En tout, 22 hommes de touchés. Le feu a pris deux fois pendant le combat mais il a été éteint dans l'instant. J'ai tiré dans ce combat, 509 coups de canon, 100 de pierriers et 1 700 de fusil ou d'espingoles."

Il existe d'autres sources, aussi bien coté français que coté anglais, où le récit du combat est paru notamment dans " The Royal Gazette"  du 8 décembre 1781.